« Si tu veux apprendre, tu ne nous demandes pas la recette. Tu viens un week-end et on te montre. »
La sentence prononcée à l’unisson par ma tante et ma grand-mère traduit à la perfection le pourquoi de leur cuisine. Elles font toutes deux partie de ces fins cordons bleus de l’école de la tradition. Dans leurs assiettes, pas de cuisine moléculaire, ou de fusion food japono-ethiopienne. Pas d’effet de mode, pas de chichis. Mais des petits plats réalisés à la perfection, la restitution à l’identique des saveurs qui ont affolé leurs papilles dans leur enfance.
On pourrait voir ça comme une vision réactionnaire, une routine lassante. Mais moi, j’adore. Les hommes se sont toujours fixés des repères plus ou moins arbitraires pour rythmer l’année et mieux appréhender le temps qui passe (pourquoi croyez-vous qu’on déprime en janvier ? Noël est passé, Pâques est loin… on est perdu ! Il faudrait songer à réhabiliter le Carnaval). Et doubler ces repères d’une dimension gastronomique, je trouve que : 1) c’est chouette, parce que c’est bon, 2) c’est sain, parce qu’en toute logique on mange plutôt des produits de saison, 3) c’est fort de se dire qu’on partage quelque chose de sensoriel avec ses ancêtres, pas juste un bout de papier, une photo. On a sur le palais les mêmes saveurs. Je trouve ça dingue.
Au fil des années, j’ai appris reproduire certains de ces fameux plats. Mais maintenant, je dois faire face à la réciproque : puis-je séparer le plat de la fête ? Ai-je vraiment le droit de sortir ces plats de leur contexte ? Devrais-je me sentir coupable d’en profaner un dans un tupper ware devant mon ordinateur ?
19 novembre 2014 at 12 h 38 min
J’ai beaucoup aimé cet article sur la tradition, merci beaucoup 🙂